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Sourire de Francis Carco

Sourire

J’écoute un remuement léger de feuilles fraîches,
Couché dans l’herbe, sur le dos ;
Et les rosiers fleuris font un mouvant rideau
Qui flambe et tremble sur la brèche

Vieux murs, jardin désert, c’est près de vous, pourtant,
Que je viens m’endormir à l’aise
Puisqu’au fond la fadeur de vivre est si niaise
Que le rêve en est insultant.

Or, jusqu’à la nuit bleue et pleine de murmures,
Je suis resté, béant au ciel,
Car l’ombre avait un goût de lauriers et de miel,
D’abandon et de pêches mûres…

Mais quand la lune, au front du paisible horizon,
A ruisselé jusqu’à mes lèvres,
Je suis parti, gonflé de rancœurs et de fièvres,
Et j’ai regretté ma prison.

…L’azur était semé d’étoiles merveilleuses…
Hélas ! moi je n’aime l’azur
Qu’emmitouflé de brume et sali par l’obscur
Rayon malade des veilleuses.

Matins fouettés de pluie, glacés et maugréants,
Indéfinissables journées,
Ces tristesses, mon Dieu, que vous m’avez données,
Me feront mourir à trente ans !

L’alcool est un démon fardé par les sauvages,
C’est un terrible et faux ami
Qui vous laisse, abîmé de fatigue et blêmi
Par les plus fous dévergondages

N’importe ! Il faut encor s’empêcher de faiblir,
Et la mort a les dents si blanches
Q’on en ferait un beau collier pour les dimanches
Et qu’on l’aimerait sans pâlir.

Aussi j’ai, dans ma belle pipe empoisonnée,
Fumé mes derniers souvenirs
Et j’ai brûlé d’anciens papiers, sans avenir !
Pour allumer la cheminée.

Plus tard, un vieil ami me sachant enfin mort
Me chassera de sa mémoire :
Mais j’aurai oublié les bourgeois et la gloire,
La monnaie triste et les sous d’or.

Les poèmes de Francis Carco

 

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