Quand le soir est tombé dans la chambre quiète
Quand le soir est tombé dans la chambre quiète
Mélancoliquement, seul le lustre émiette
Son bruit d'incontenté dans le silence clos.
Lustre toujours vibrant comme un arbre d'échos,
Lustre aux calices fins en verre de Venise
Où la douleur de la poussière s'éternise,
Mais en gémissements qu'à peine on remarqua,
Grêles comme un chagrin lointain d'harmonica.
C'est une panoplie aux cliquetis de verre
Où l'on entend le bruit blessé qui persévère ;
C'est un grand reliquaire à l'aspect végétal
Où d'invisibles pleurs, captifs dans le cristal,
Roulent en sons mouillés parmi les pendeloques.
Lustre, fontaine blanche aux givres équivoques ;
Lustre, jet d'eau gelé, mais où l'eau souffre encor...
Ce lustre, c'est mon coeur visible en ce décor
Qui frissonne en sourdine et sans cesse s'afflige,
Jet d'eau fleurdelisé dont la plainte se fige !
Les poèmes de Georges Rodenbach
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