Luna
C'est en levant les yeux que j'ai trouvé l'Amie
Qu'ici-bas mon regard rechercha vainement ;
Elle est venue à moi quand j'étais endormie
Et mon rêve a grandi sous son rayonnement.
Vous la voyez passer, bruissantes feuillées,
Elle répand sur vous son sourire indulgent,
Et durant les combats des nocturnes veillées
Pour elle tous mes pleurs sont des perles d'argent.
Elle porte un habit tissé de clartés blanches
Et traîne dans ses plis d'indicibles douceurs.
Elle connaît les nids blottis au sein des branches
Et les noms fabuleux des étoiles, ses soeurs.
Elle incline sur moi la tendresse touchante
D'une mère qui berce un enfant favori,
Et quand, dans la douleur, comme un cygne je chante.
Elle écoute en silence et n'a jamais souri.
Lorsqu'elle vient à moi sur les vagues houleuses.
La grande paix des eaux lui conte son secret ;
Son cortège est l'essaim des pâles nébuleuses
Et l'ombre m'envahit lorsqu'elle disparaît.
Elle est la soeur du rêve et l'idéale amie
Qui ne me parle pas d'un monde que je fuis
Et laisse retomber mes heures d'insomnie
Comme des gouttes d'or dans la coupe des nuits.
Loin d'elle, chaque soir, je guette sa venue ;
Quand elle ne vient pas j'ai des pleurs dans la voix.
Et les chaudes lueurs d'une flamme inconnue
S'allument dans mes yeux lorsque je la revois.
Je ne croiserai point ses pas sur cette terre,
Car le Maître éternel a tracé son chemin,
Elle doit, en tout temps, graviter, solitaire,
Et jamais, non jamais, je n'étreindrai sa main.
Quand loin de sa clarté j'ai la mélancolie,
Elle vient, à pas lents, au cours de mon sommeil,
Jeter, en souvenir du pacte qui nous lie,
Dans les sentiers d'azur son anneau d'or vermeil.
Dans l'ombre de l'exil, où j'ai vécu, farouche,
Son regard infini partout me poursuivait.
Et lorsqu'elle venait prier près de ma couche.
J'ai cru voir la Pairie assise à mon chevet.
Fidèle jusqu'au bout à sa tendresse fière,
Elle seule viendra dans la nuit de l'oubli
Traîner ses voiles blancs au fond du cimetière
Et baiser sur la croix mon petit nom pâli.
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