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Le chant des moustiques de Venise de Abel Bonnard

Le chant des moustiques de Venise

L'étranger dort ; alors, stridents, sur ses paupières,
Nous faisons nos chansons et tirons nos rapières ;
Nous sommes spadassins, danseurs, musiciens.
Il a gâté sur l'eau les reflets anciens,
Et tout le jour, le long des palais presque arabes,
Sa gondole fâcheuse a dérangé les crabes,
Mais maintenant touché par nous aux mains, au cou,
Notre homme exténué ne ronfle plus beaucoup.
Nous lui chantons : «Comment, amateur de la ville,
La laisses-tu la nuit comme une chose vile?
Viens ; ta fenêtre a droit à ton coude rêveur ;
Lève-toi ; nous t'avons réveillé par faveur.
Tu ne pouvais rester les yeux clos sans scandale.
Comme la lune est fraîche au liquide dédale.
Au carrefour marin son rayon s'est brisé ;
Surprends le flot, qui rit comme un enfant frisé.
Nous te piquons, afin de te tenir alerte. »
- Ainsi, tant que la ville est d'étoiles couverte,
Nous lardons l'Allemand ingrats, et jusqu'au soir,
Les Titiens demain l'auront pour repoussoir,
Et nous élargissons dans sa chair massacrée
La plaie, et son malaise irrité nous récrée,
Et maigres, nous goûtons la saveur de son sang,
Jusqu'à l'heure où, lointain, pavoisé, grandissant,
Et fier, devant la ville et déjà plus près d'elle,
Comme s'il revenait de vaincre l'Infidèle,
Le matin plein de cris, de gloire et de rougeur,
Arbore ses drapeaux sur Saint-Georges Majeur.

Les poèmes de Abel Bonnard

 

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