poésie de fleurs

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Corps Perdu de Aimé Césaire

Corps Perdu

Moi qui
Krakatoa moi qui tout mieux que mousson moi qui poitrine ouverte moi qui laïlape

moi qui bêle mieux que cloaque moi qui hors de gamme moi qui
Zambèze ou frénétique ou rhombe ou cannibale

je voudrais être de plus en plus humble et plus bas toujours plus grave sans vertige ni vestige jusqu'à me perdre tomber dans la vivante semoule d'une terre bien ouverte.
Dehors une belle brume au lieu d'atmosphère serait point sale

chaque goutte d'eau y faisant un soleil dont le nom le même pour toutes choses serait
RENCONTRE
BIEN
TOTALE si bien que l'on ne saurait plus qui passe ou d'une étoile ou d'un espoir ou d'un pétale de l'arbre flamboyant ou d'une retraite sous-marine courue par les flambeaux des
méduses-aurélies
Alors la vie j'imagine me baignerait tout entier

mieux je la sentirais qui me palpe ou me mord

couché je verrais venir à moi les odeurs enfin libres

comme des mains secourables

qui se feraient passage en moi

pour y balancer de longs cheveux

plus longs que ce passé que je ne peux atteindre.

Choses écartez-vous faites place entre vous

place à mon repos qui porte en vague

ma terrible crête de racines ancreuses

qui cherchent où se prendre

Choses je sonde je sonde

moi le porte-faix je suis porte racines

et je pèse et je force et j'arcane

j'omphale
Ah qui vers les harpons me ramène

je suis très faible je siffle oui je siffle des choses très anciennes de serpents de choses caverneuses
Je or vent paix-là

et contre mon museau instable et frais pose contre ma face érodée ta froide face de rire défait.
Le vent hélas je l'entendrai encore nègre nègre nègre depuis le fond du ciel immémorial un peu moins fort qu'aujourd'hui mais trop fort cependant et ce fou hurlement de
chiens et de chevaux qu'il pousse à notre poursuite toujours marronne mais à mon tour dans l'air

je me lèverai un cri et si violent

que tout entier j'éclabousserai le ciel

et par mes branches déchiquetées

et par le jet insolent de mon fût blessé et solennel

je commanderai aux îles d'exister

Les poèmes de Aimé Césaire

 

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